Caquins et Caquineries

dans lĠancien diocse de Saint-Brieuc

 

 

      La base de cette Žtude repose sur le texte de lĠaveu du 21 novembre 1690 de Monseigneur Louis Marcel de Co‘tlogon, Evque de Saint-Brieuc, au Roi Louis XIV.

 

 

Dans ce texte, le rŽdacteur nous informe quĠil existe dans cet ŽvchŽ : Ç certaines familles de gens appellez les Caquins, lesquels sont rŽputŽs serfs de lĠŽglise, demeurants en certains lieux appellez les Caquinneries qui É È. LĠancien ŽvchŽ de Saint-Brieuc est le seul des anciens ŽvchŽs bretons  dont la liste des caquineries, qui sont au nombre de vingt-deux, nous semble la plus complte car il nĠy a aucune caquinerie dans cet ŽvchŽ qui soit au domaine royal, voilˆ pourquoi les caquins du diocse de Saint-Brieuc sont dits Ç serfs de lĠEglise È. Cet aveu qui nous reste est cependant postŽrieur ˆ la rŽunion de la Bretagne ˆ la France ; mais on ne peut douter quĠil constate un Žtat ancien crŽŽ par les Ducs de Bretagne et continuŽ par les Rois de France.

 

     Les noms de Caquin, caqueux, en breton : Ç kakous È, apparaissent dans les textes progressivement ˆ partir du XVe sicle, o ils ont remplacŽ les noms de LŽpreux, ladres, malornez ou mŽseaux. Ceci nous conduit ˆ faire un bref historique de la lpre et des lŽpreux ˆ partir du Moyen ċge, puis ˆ Žtudier la condition des Caquins, qui sont les descendants des lŽpreux. Pour finir par une Žvocation des Cordiers qui remplaceront peu ˆ peu les caquins ˆ la fin du XVIIe sicle dans le diocse jusquĠˆ la RŽvolution.

 

- La Lpre et les lŽpreux

      La lpre est une maladie chronique provoquŽe par une mycobactŽrie, dŽcouverte en 1872 par Armauer Hansen. CĠest une maladie proche de la tuberculose, qui se dŽveloppe sur de longues annŽes, et dont le remde nĠa ŽtŽ trouvŽ quĠau milieu du XXe sicle. On a dĠabord utilisŽ une monothŽrapie aux sulfamides. Actuellement on utilise une poly-chimiothŽrapie pour Žviter les rŽsistances. Le boulle de la lpre ou boulle de Hansen se divise trs lentement, ce qui fait la haute chronicitŽ de la maladie.

 

     Auparavant, cette maladie Žtait incurable, et les nombreuses mentions faites dans les anciens documents ˆ des lpres guŽries montrent que lĠon dŽsignait souvent sous ce mot dĠautres maladies de peau, dĠailleurs souvent difficile ˆ identifier.

 

      La lpre se multiplie lentement et la pŽriode dĠincubation de la maladie est dĠenviron cinq ans, mais les sympt™mes peuvent nĠappara”tre quĠau bout de vingt ans. Cette maladie nĠest pas trs contagieuse. Elle est transmise par des gouttelettes dĠorigine buccale ou nasale, lors de contacts Žtroits et frŽquents avec un sujet infectŽ et non traitŽ. Cette maladie attaque les nerfs, la peau, les ganglions lymphatiques, couvre le derme de pustules et de plaques puis dŽforme et ronge les doigts et les orteils.

 

      La lpre qui sŽvissait depuis les temps anciens de faon endŽmique est surtout apparue chez nous ˆ la suite des Croisades, car on peut imaginer que des croisŽs et des plerins  revinrent contaminŽs de Terre Sainte en particulier ˆ partir des XIIe et XIIIe sicles.

 

      Cette maladie Žtait trs mal connue au Moyen Age, il suffit de voir comment Ambroise ParŽ en 1585, dans son livre au chapitre XI Ç Du prognostic de Lepre È parle de cette maladie : Ç La Lepre est une maladie hereditaire et contagieuse, quasi comme la peste, et du tout incurable, comme aussi souvent est la peste. È Il ne fait malheureusement que dŽcrire ce que pensait lĠopinion publique depuis des gŽnŽrations en Bretagne mais aussi en France.

     Il sĠest forgŽ sur les lŽpreux un certain nombre de fantasmes : ainsi : lĠhomme atteint de la lpre ne pouvait plus guŽrir, il devait transmettre son mal ˆ tout ce qui entrait en communication avec lui, ses enfants portaient en eux le germe de la maladie. On retrouve aussi  des Žcrits surtout ˆ partir du XVIIIe sicle, on peut citer, par exemple, le Dictionnaire  de la langue bretonne, de dom Le Pelletier, publiŽ en 1752 mais composŽ ds le dŽbut du sicle, o il est Žcrit ˆ lĠarticle Ç Cacous È : Ç Ils sont censŽs descendus des Juifs dispersŽs aprs la ruine de la sainte CitŽ de JŽrusalem (É), la populace aura attribuŽ (leur) sŽparation la lpre Juda•que, que la Loi Sainte excluait de tout commerce avec les sains  ˆ È et ˆ lĠarticle Ç LorganacĠh È : Ç Nos Bretons se sont imaginŽs que tous les LŽpreux sont de race Juive et les ont en horreur. È Cette rŽfŽrence aux Juifs est dĠautant plus remarquable que ceux-ci furent toujours peu nombreux en Bretagne depuis lĠŽdit dĠexpulsion du duc Jean Le Roux en 1240. Avant 1940 un mythe de la lpre sŽvissait  encore, puisquĠil Žtait question dans une publication en 1939 de Lpre autochtone  bretonne : maladie de Morvan ou syringomyŽlie ? au sujet de laquelle nous trouvons encore ˆ la fin du XXe sicle des publications de thses de mŽdecine sur le sujet.

                                                                                                                                                              

      Cette fantasmagorie nĠa pas ŽpargnŽ lĠEglise, car elle avait elle-mme instituŽ un cŽrŽmonial imposant, relevant de lĠoffice des morts, consacrant la sŽparation perpŽtuelle du lŽpreux qui ne devait plus para”tre en public pour ne pas affecter la population encore saine. Le malade Žtait exhortŽ ˆ la patience, ˆ la rŽsignation : on lui expliquait les conditions de sa nouvelle existence. Il ne devait plus para”tre en public sans son costume de lŽpreux. Il ne devait pas marcher pieds nus, para”tre au four, au moulin. A lĠŽglise, il devait rester prs de la porte, ˆ la place assignŽe ˆ ses semblables. Il ne devait pas se laver dans les ruisseaux, ni puiser aux sources, sinon avec un vase spŽcial. Il ne pouvait manger quĠavec des lŽpreux, dans les marchŽs ne toucher aux denrŽes que du bout de sa baguette et ne recevoir les aum™nes que dans son baril. Il ne devait parler ˆ personne quĠen se plaant sous le vent, et annoncer son approche par le bruit de sa crŽcelle. Ses restes devaient reposer dans un cimetire particulier. Les lŽpreux sont pour les sociŽtŽs du Moyen Age des hommes impurs, des parias, qui aprs un tel cŽrŽmonial sont Ç morts quant au monde È.                                                                                                                                                                                                                                                                                               - Les LŽproseries

     Les lŽproseries que lĠon trouve parfois sous les noms de Ladreries, Maladreries, ou mme par dŽformation Maladrie, sĠŽtaient Žtablies progressivement ˆ lĠŽcart des villes ou bourgs o la gŽnŽrositŽ de lĠŽglise, de communautŽs religieuses, ou mme parfois dans des domaines seigneuriaux. Les lŽpreux nĠŽtaient pas tenus dĠhabiter ces Ç h™pitaux È. Souvent on les laissait dans leur propre demeure, avec les prŽcautions convenables ; mais ils nĠen Žtaient pas moins sous la protection de lĠEglise.

 

     Cependant certains, quoi que possesseurs de biens, habitent dans des lŽproseries ; ainsi en mai 1271, un lŽpreux Thomas Maloste rŽsidant ˆ la lŽproserie du Gouray, renonce, devant le recteur et son vicaire, ˆ tous ses droits dans la fort de Boquen au profit des moines de lĠabbaye de Sainte-Marie de Boquen. Il nĠappara”t dans cet acte de la fin du XIIIe sicle aucune trace de servage.

 

     Lors dĠun baptme ˆ HŽnon, nous trouvons encore en 1700, comme lieu de naissance : la Maladrie de HŽnon. Nous trouvons Žgalement une maladrie ˆ PlŽdran. Dans lĠhistoire de TrŽdaniel,  les lŽpreux Žtaient accueillis prs dĠun prieurŽ (le prieurŽ de la Madeleine) prs duquel il existait une maladrerie.

    

 

- Les descendants des lŽpreux : les Caquins

      A partir du moment o les caquins se livrent au mŽtier de cordier, cĠest quĠils ne sont plus atteints de la lpre, car le mŽtier de cordier est avant tout un mŽtier trs manuel.

 

 

La lpre, on le sait, provoque des lŽsions cutanŽes et nerveuses qui entra”nent des lŽsions progressives et permanentes des membres en particulier. Celles-ci nĠauraient pas permis ˆ un lŽpreux de prŽparer le chanvre, de le teiller et de le peigner, pour le dŽbarrasser des dŽbris et de sŽparer les fibres en fils trs fins pour finalement le filer avec autour de sa taille, une touffe de chanvre en bataille, que ses mains de prestidigitateur vont transformer en corde. Non, aucun lŽpreux nĠa jamais fait ce travail et nos historiens du XIXe sicle, qui nous ont laissŽ entendre ces fantasmes, se sont dŽlibŽrŽment trompŽs.

 

       Plus sĠŽloignaient les causes qui avaient pu justifier la mise ˆ lĠŽcart des lŽpreux, plus ceux-ci faisaient semble-t-il dĠefforts pour rentrer dans la vie commune. La plupart dĠentre eux nĠavaient plus aucune trace de lpre et pourtant lĠopinion publique se prononait de plus en plus contre eux. CĠest sans doute la confusion avec les pestes qui mirent la Bretagne en coupes rŽglŽes, dans les XVe, XVIe et XVIIe sicles. Toujours est-il que les descendants des lŽpreux, que lĠon commenait ˆ dŽsigner le plus souvent sous les qualifications de caquins et caqueux ne trouvrent plus autour dĠeux que dŽfiance, haine et mŽpris. La Bretagne, avec les caquins, eut vŽritablement alors Ç sa race maudite È.

 

       La lŽgislation vint bient™t fortifier ce sentiment et lui donner une sanction que lĠon nĠavait pas rencontrŽe jusquĠalors, puisque les lŽpreux avaient bŽnŽficiŽ des habitudes charitables de lĠŽglise, mais le pouvoir civil, en se substituant peu ˆ peu au pouvoir religieux vint, ˆ partir du XVe sicle, Ždicter des textes pour rŽgir ces Ç parias È.

 

      Le 12 fŽvrier 1425 le duc Jean V dans ses constitutions, Ç Touchant les meseaux.È interdit ˆ ceux-ci de faire du commerce et ÇÉ pour ce que cĠest maladie  contagieuse, É È ÇÉ et que nos juges dessus les lieux les fassent sŽparer dĠavec les autres. È Toutefois le 16 avril 1447 le duc permet aux caqueux de prendre des terres ˆ louage dans lĠŽvchŽ de Vannes comme ailleurs sans doute.

 

      Le 18 dŽcembre 1456, Pierre II rend une longue ordonnance sur les fouages (lĠimp™t payŽ par chaque feu). Les caquins sont exempts de cette taxe : le duc apparemment va se borner ˆ constater cette exemption. Mais, il commence par rappeler que Ç caqueux, malornez et ladresÉ È doivent ÇÉ vivre du mestier de cordage et de faire des mesures de  bois ˆ bled et aultres ouvrages É È. Puis, il leur fait grief dĠÇ affermer hŽritages et y font labourage et aussi marchandent publiquement de plusieurs marchandises aultres que celles que doibvent faire, dont en sont partie dĠeulx grandement enrichis, É È.

 

      Mais, en 1475, toutes les dispositions prises par le duc Pierre II sont changŽes par un mandement de Franois II qui va mettre les caqueux dans une situation misŽrable quĠils ne connaissaient plus depuis de longues annŽes.

 

      Le 5 dŽcembre 1475, le duc leur interdit le mŽtier de faiseur de mesures de bois que son prŽdŽcesseur, le duc Pierre en 1456, leur reconnaissait Ç comme accoutumŽ dĠanciennetŽ È. Voilˆ supprimŽ leur gagne-pain de lĠhiver. Le duc leur interdit de prendre aussi ˆ ferme des terres, sous peine de confiscation ; et il interdit ˆ tout sujet de les donner ˆ bail, sous la mme peine ; enfin le duc prescrit Ç ˆ tous les caqueux hommes et femmes, quand ils sortent de la maladrerie, de porter en lieu apparent de leur vtement la marque rouge È.

 

      Le 14 juin 1477, le duc Franois II dans une ordonnance attŽnue les sŽvŽritŽs de lĠordonnance de 1475 en faveur des caquins de Saint-Malo et vraisemblablement valable ailleurs. Il fut reprŽsentŽ au duc que les familles de caqueux Žtaient nombreuses, que la cessation de leur labourage et sans doute aussi de leur mŽtier de barattier, les rŽduisait ˆ mourir de faim ; quĠil leur faudrait se mettre ˆ mendier au-dehors. Le duc compris le danger du vagabondage des caquins quĠil se voyait impuissant ˆ empcher, et crut apparemment le prŽvenir en autorisant la ferme des terres ; mais avec quelle parcimonie !

 

     CĠest dans cette ordonnance de juin 1477 que lĠon trouve cette phrase : Ç Nos autres sujets non estant de leur vacation et secte É È ( nos sujets sains et non suspects (dĠtre) de leur secte), voilˆ comment ˆ la fin du XVe sicle, on suspectait les caqueux en Bretagne ducale.

      Les juges ducaux sont chargŽs de reconna”tre le nombre de personnes en chaque mŽnage, et, sur ce nombre, ils apprŽcieront Ç la quantitŽ de terre dont le louage est nŽcessaire ˆ chaque mŽnage pour sa substantation È ; et ils autoriseront les baux de champs au plus proche des caquineries, mais seulement pour trois annŽes.

 

      On sĠexplique mal le parti pris des ducs Pierre II et Franois II contre lĠaisance, la richesse des h™tes des caquineries. On ne comprenait pas, ˆ cette Žpoque, que lĠaisance, prix mŽritŽ du travail honnte, devait avoir pour consŽquence plus de bien-tre, de propretŽ, dĠhygine,   qui sont les conditions indispensables pour la cessation de la lpre. Mais on peut aussi penser que, les voisins des caquineries aient ŽtŽ jaloux de lĠexemption des fouages dont bŽnŽficiaient les caquins et se plaignirent au fermier des fouages, qui nĠa jamais assez de dŽbiteurs et que sur ces motifs, les ducs vont punir les caquins de leurs obstinations ˆ ne pas acquitter cette taxe minime, en leur interdisant de louer ou dĠacheter des terres et de vendre les produits de ces terres.

 

     Au point de vue de lĠimp™t, lĠaveu de 1690 nous prŽcise que les caquins Ç É ne devaient aucun fouage au Roy et ne payent aucune rente ny devoirs au dit seigneur Evesque pour leurs dites maisons nommŽes caquinneries, mais tous ensemble luy doivent payer une taille de vingt livres monnoye au premier jour de chaque annŽe É È. Voilˆ peut-tre pourquoi dans les sicles prŽcŽdents les caquins Žtaient jalousŽs et rŽputŽs aisŽs par la population environnante au point que les Ducs dans leurs ordonnances cherchrent ˆ limiter leur supposŽe aisance. Une taille de 20 livres pour lĠensemble des caquins du diocse, mme en supposant quĠil y ait une soixantaine de familles (52 caquins assujetis ˆ lĠŽgail de 1635) cela fait un imp™t de 4 sols ou 48 deniers par caquins ou famille de caquins. Quand on sait quĠun artisan ou un laboureur payait 2 ˆ 3 livres de capitation ˆ cette Žpoque (capitation de Langueux en 1696). Cependant les caquins Žtaient Ç contraignables È les uns envers les autres du paiement de cette taille car en cas de non-paiement, le premier pris par les officiers de lĠŽvque restait responsable devant ses semblables, sauf sĠil introduisait un Ç recours vers les autres È.

 

     Juridiquement, les caquins, parce quĠils habitaient dans les caquineries et bien quĠils Ç soient en diverses juridictions dans le dit diocse, leurs dites caquinneries et eux y demeurants, ne sont toutefois justiciables que du dit seigneur Evesque, tant du rŽel que du personnel. È Autrement dit les caquins Žtaient toujours justiciables de la juridiction des RŽgaires de lĠŽvchŽ de Saint-Brieuc, quelle que soit la ou les juridictions, hautes, moyennes ou basses, pouvant se trouver sur le territoire de leur paroisse.

 

     Cependant en fŽvrier 1737, le Comte de Toulouse, Duc de Penthivre fait rŽdiger un Ç MŽmoire touchant le droit de fief, mouvance et juridiction prŽtendue par monsieur lĠŽvesque de Saint Brieuc sur les caquins ou cordiers demeurants dans plusieurs paroisses du DuchŽ de Penthivre dans les quelles son altesse sŽrenissive le comte de Toulouze a lĠuniversalitŽ de fief É È. Ce mŽmoire rŽdigŽ semble-il par les notaires du Duc est traitŽ en sept points, mais il nĠa sans doute jamais ŽtŽ soumis au Parlement de Bretagne.

 

     Il se produisit chez les caquins, du fait de leur mise ˆ lĠŽcart, une situation endogamique avec pratique des unions consanguines au quatrime et troisime degrŽ aprs dispense de lĠŽvque de Saint-Brieuc, mais il y eut aussi des unions consanguines au deuxime degrŽ, avec dispense du Pape. Il y eut mme des mariages annulŽs jusquĠˆ dix huit ans plus tard pour cause de consanguinitŽ, avec un second mariage dans une autre paroisse, les enfants nŽs entre les deux mariages Žtant considŽrŽs comme naturels ont dž tre lŽgitimŽs lors de ce second mariage. Car pour se marier les caquins nĠavaient dĠautre ressource que la recherche de conjoints Žventuels dans les autres caquineries et pas seulement du diocse, comme nous le verrons en parlant des caquineries et des patronymes qui y persistrent.

 

     On recherche en vain une Žtymologie au mot caquin et il existe comme toujours des sources qui sont peu vraisemblables et relvent de la fantasmagorie, la seule Žtymologie qui prŽsente une certaine vraisemblance, nous semble tre celle-ci : tout lŽpreux comme nous lĠavons dit Žtait porteur dĠun petit baril pour recevoir le breuvage que la charitŽ lui offrait. En vieux franais, ce baril se nommait caque, caquet ou caquin. DĠo une extension possible ˆ son porteur. Le mot caquin ou caqueux dŽsignerait donc les descendants prŽsumŽs des lŽpreux. Mais comment ce terme a-t-il  survŽcu ˆ la lpre ?

 

-Les Caquineries

      O trouvait-on des caquineries dans lĠŽvchŽ de Saint-Brieuc ? LĠAveu de 1690 nous donne la rŽponse

 

 

puisquĠil prŽcise quĠil existe des caquineries dans lĠÇÉ ŽveschŽ de Saint Brieu(c), scavoir aux paroisses de Saint Michel de Saint Brieu(c), PlŽrin, PlŽquien, Plouha, PlŽhŽdel, PlŽlo, TrŽgommeur, Quintin, PlŽdran, Quessoy, HŽnnon, LoudŽac, Plumieux, TrŽdaniel, Le Gouray, MaroŸŽ, Ruca, Erquy, PlŽneuf, Planguenoual, Hillion et Yffiniac, auxquels lieux   le chacuns des dits nommez Caquins, ont cymetiers sŽparez des autres paroissiens, É È.

 

     On peut se rappeler que ces cimetires hors du bourg pour les victimes de la peste aux XVIe, XVIIe sicles ont ŽtŽ une habitude au cours des ŽpidŽmies o on enterrait les Ç contagiŽs È dans des cimetires spŽciaux, on avait fait de mme pour les lŽpreux et lĠon ne cessa cette pratique que  vers la fin du XVIIIe sicle en gŽnŽral, mais ˆ MarouŽ on enterrait encore ˆ part les cordiers en 1832.

 

Notons une coutume que les Caquins conformŽment ˆ lĠAveu de 1690 Ç doivent au jour de visites des paroisses o ils demeurent respectivement chacun mŽnage au dit seigneur Evesque ou ˆ son grand vicaire faisant la dite visite un licoul de corde pour servir aux chevaux des visiteurs È.

 

     Mais le texte de lĠaveu ne nous prŽcise pas lĠemplacement de la caquinerie dans la paroisse, aussi nos recherches se sont portŽes sur les noms de villages dans les premiers cadastres de chaque commune ayant succŽdŽ aux dites paroisses. Ces recherches se sont rŽvŽlŽes la plupart du temps infructueuses et nous nous sommes tournŽs vers les lieux-dits. Nous trouvons sur les vingt deux caquineries de 1690 : ˆ Saint-Brieuc une rue de la caquinerie et un lieu-dit la caquinerie ˆ PlŽhŽdel,  ˆ TrŽdaniel, il y avait, autrefois, un lieu-dit la caquinerie encore sur les cadastres dŽbut XIXe. La plupart du temps nous trouvons surtout le nom de corderie qui a succŽdŽ ˆ une caquinerie, ainsi ˆ PlŽrin, Erquy, PlŽneuf, Planguenoual, PlŽlo, MarouŽ, Quessoy, Ruca, LoudŽac et sans doute Yffiniac. On trouve dans deux communes le nom de maladrie, dŽformation de maladrerie  ˆ HŽnon et ˆ PlŽdran. A Quintin, dans le faubourg du Vau-de-Gou‘t, on trouve la madeleine ainsi quĠˆ Plumieux.  Dans cinq communes, nous nĠavons pu, ˆ ce jour, trouver lĠemplacement de la caquinerie.

 

     Nous ne pouvons pas Žtudier ici toutes les caquineries de lĠancien diocse de Saint-Brieuc et nous avons dž faire un choix dans celles o nous possŽdons actuellement le plus dĠŽlŽments :

 

-       a) La caquinerie de Saint-Brieuc

 

 

     La caquinerie de Saint-Brieuc dont nous trouvons lĠemplacement sur un plan du XIXe , de la ville de Saint-Brieuc au dŽbut du XVIIe (Plan Geslin de Bourgogne) et dont il reste un nom de rue situŽ derrire lĠancien abattoir rue Notre-Dame. Lˆ, prs de la chapelle saint Armel (St- Hermel, acte de 1653) qui para”t avoir Žtait rŽservŽe aux caquins, se trouvait la caquinerie proprement dite, la fontaine qui leur Žtait spŽcialement affectŽe (fontaine es-caquins), une corderie, une maladrerie et vraisemblablement un cimetire. Nous apprenons, au travers des textes, que les caquins allaient aux offices ˆ lĠŽglise Saint-Michel o une place leur Žtait rŽservŽe dans le bas de la nef, prs de lĠentrŽe mais ceux-ci nĠŽtaient surtout pas enterrŽs dans lĠŽglise ou le cimetire proche.

 

      Cette caquinerie  sise en bordure du fief de Boisboissel, pourrait laisser penser que celle-ci ait ŽtŽ instituŽe par les seigneurs du Boisboissel, avant dĠtre intŽgrŽe au rŽgaire de lĠŽvque par la suite.

 

     Parmi les noms rencontrŽs ˆ la caquinerie de Saint-Brieuc, nous pouvons citer : les Rouault, les Touesnon, les Havet. Il nous semble quĠil nĠy avait dans cette caquinerie que trois ou quatre familles.

 

 

Dans le registre paroissial des baptmes de lĠŽglise Saint-Michel, nous trouvons en 1630 une naissance enregistrŽe en fin de registre et sous le titre Ç Caquins È et ˆ suivre une naissance dĠun enfant illŽgitime. CĠest dire, comment Žtaient considŽrŽs les caquins ˆ cette Žpoque. Un incident Žclate lors dĠune inhumation en 1647, voici ce que lĠon trouve  dans le registre des sŽpultures : "le treiziesme jour de may mil six cent quarante et sept est dŽcŽdŽ en la communion de la Saincte Eglise Gilles Havet, cordier, lequel aprs avoir ŽtŽ administrŽ des saincts sacrements a ŽtŽ ensŽpulturŽ dans le simetiere de St Michel et du depuis, la nuit d'entre le mercredi et jeudi, dŽterrŽ par la populaire comme Žtant de la race des caquins. SignŽ Jan Boujart". Nous retrouverons des incidents de ce type ˆ PlŽrin, Erquy, MarouŽ et Planguenoual.

 

 

- b) La caquinerie dĠErquy

     La caquinerie dĠErquy, connue actuellement sous le nom de corderie Žtait proche de la maladrerie du Saint-SŽpulchre, cette caquinerie a ŽtŽ ŽtudiŽe par Jean-Pierre Le Gal La Salle dans le tome I de lĠHistoire dĠErquy. Nous nous sommes permis dĠen reprendre des extraits.

 

 

     Cette caquinerie se trouvait au carrefour du chemin de PlŽneuf ˆ la Bouche et du Bourg dĠErquy ˆ Lamballe par la Croix-Rouge. Le cimetire primitif se trouvait au pied de la chapelle du Saint-SŽpulchre ou chapelle Saint-Pierre. Ce lieu ayant ŽtŽ donnŽ aux Ursulines de Lamballe, les caquins furent enterrŽs ailleurs.

 

     Parmi les familles ayant vŽcu ˆ la caquinerie, on peut citer : les Havet, les Ligeret, les Touesnon et les Rouault, auxquelles pouvaient Žventuellement se joindre des caquins venus dĠailleurs, PlŽneuf, Planguenoual et autres paroisses plus lointaines, comme des Denis ou des Carsimon, caquins dont la prŽsence ˆ Erquy fut Žpisodique. Au XVIIIe sicle on compte de quatre ˆ six mŽnages, inscrits sur la liste de la capitation dĠErquy.

 

     Le premier caquin connu dĠErquy Žtait Alain Havet qui en 1583 possdait un champ le long du chemin allant Ç de la Caquinerie au bourg dĠErquy È, cette famille Havet fit des alliances avec des caquins de MarouŽ, de PlŽneuf et de Planguenoual et disparut dĠErquy au milieu du XVIIIe sicle aprs un incident dont il sera question ci-aprs. Le caquin Pierre Touesnon appara”t vers 1640. En 1659 le recteur nota que sa fille Catherine Ç fut inhumŽe dans le cimetire de la Caquinerie È. Cette famille Touesnon eut des alliances avec des familles de PlŽneuf, de MarouŽ. Une autre famille, les Rouault se trouvaient ˆ Erquy en 1680 il y eut dans cette famille un fait curieux : Le 9 novembre 1706, se mariaient ˆ Planguenoual, Simone Havet et Franois Rouault. Ce mariage devait tre annulŽ 18 ans plus tard pour cause de consanguinitŽ. Lors de la visite du vicaire Žpiscopal de Saint-Brieuc il sĠaperut quĠils nĠavaient pas demandŽ de dispense de consanguinitŽ, aussi le 12 mai 1724 ils se marirent une seconde fois ˆ Erquy aprs avoir obtenu une dispense de l'Žvque. Entre les deux mariages, ils ont eu cinq enfants, considŽrŽs comme naturels, qui ont ŽtŽ lŽgitimŽs lors du second mariage.

     Si la situation des caquins paraissait  aisŽe au XVIIe sicle (ils possdaient des terres en dehors de la caquinerie proprement dite)  et dans lĠŽgail de 1635, ils payaient pour quatre familles la somme de quarante-six sols, seule la caquinerie du Gouray payait quarante-sept sols.Par contre ces caquins semblent avoir pŽriclitŽ au XVIIIe sicle. En tŽmoigne la vente de plusieurs de leurs biens. En 1721 se dŽroulrent ˆ Erquy des Žvnements qui rappellent Žtrangement ceux de Saint-Brieuc de 1647, de PlŽrin en 1690, de PlŽneuf en 1694 et de Planguenoual en 1716. Le 4 avril 1721 meurt le caquin Julien Havet ‰gŽ de 102 ans ? Le recteur, en exŽcution des arrts du Parlement, autorisa son fils ˆ le faire inhumer dans lĠŽglise, mais ˆ cause de Ç lĠopposition de plusieurs particuliers È ne lĠinscrivit pas au registre. Dans la nuit suivante Ç les dits particuliers forcrent la porte de lĠŽglise, dŽterrrent le corps et le portrent au seuil de la maison de son fils ˆ la caquinerie, en tirant plusieurs coups de fusil avec des menaces È.

 

     Le lendemain matin, le fils enterra lui-mme son pre dans lĠancien cimetire de la caquinerie et se rendit ensuite ˆ Saint-Brieuc pour dŽnoncer ce fait au substitut du SŽnŽchal. Le 10 avril, ce dernier Ç descend È ˆ Erquy, fait exhumer le corps puis inhumer dans le cimetire et dŽfendit toute inhumation de qui que ce soit Ç hors du cimetire ou de lĠŽglise É È. Trois jours aprs, dans la nuit, Ç les malfaiteurs continuant leur impiŽtŽ É dŽterrent une seconde fois le corps et le remettent ˆ la porte de ses enfants É È. Ceux-ci nĠosrent plus lĠenterrer hors du cimetire de peur de tomber sous le coup de la justice, ni dans le cimetire de peur de nouveaux incidents, ils le gardrent devers eux Ç dans lĠespŽrance de le faire rŽenterrer en terre sainte È.

 

     Le fils du dŽfunt sĠen retourna ˆ Saint-Brieuc prŽvenir le substitut. Celui-ci au lieu de Ç sĠŽmouvoir de telles impiŽtŽs È se dŽclara Ç indisposŽ É È. Le fils nĠeut alors dĠautre ressource que de se tourner vers le Parlement de Bretagne. Le 29 avril 1731, le Procureur GŽnŽral fait Ç remontrance È au Premier PrŽsident de Brillac, dĠenjoindre au SŽnŽchal de Saint-Brieuc de faire Ç enterrer le corps en terre sainte È et de faire publier des monitoires afin de dŽcouvrir lĠidentitŽ des Ç particuliers È.

 

     Il ne semble pas que cette affaire eut des suites. Julien Havet dž retourner au cimetire des caquins car il nĠetait pas inscrit au registre des sŽpultures. En revanche, on y trouve ˆ la date du 2 juin le nom de son fils que ces Žmotions avaient conduit de la vie au trŽpas. A partir de cette date, aucun caquin ni cordier dĠErquy nĠŽprouva lĠostracisme sŽculaire de ses concitoyens.

 

- c) La caquinerie de PlŽrin

     On avait lĠhabitude de dire que la caquinerie de PlŽrin se situait au SŽpulcre, or en consultant rŽcemment le cahier paroissial de PlŽrin, nous avons trouvŽ pour lĠannŽe 1690 un texte datant de la deuxime moitiŽ du XIXe sicle

 

 

et donnant des prŽcisions sur lĠemplacement de la caquinerie de PlŽrin : Ç Ils habitaient le lieu nommŽ encore aujourdĠhui la Corderie et avaient un cimetire ˆ proximitŽ de leur village, É È Mais Ç Lorsque les Etats de Bretagne firent ouvrir en 1773 la nouvelle route de Lanvollon, maintenant ancienne route de la C™te-aux-Roux, le tracŽ traversa le cimetire des cordiers et les ouvriers mirent ˆ dŽcouvert une certaine quantitŽ dĠossement. Le cimetire dĠailleurs avait ŽtŽ abandonnŽ dŽs 1690, en suite dĠun arrt du Parlement qui ordonna que lĠinhumation des cordiers se fit dans le cimetire commun È.

 

     Comme ˆ Saint-Brieuc et ˆ Erquy Ç des scnes scandaleuses È se produisirent ˆ PlŽrin  au mois de dŽcembre 1690. En effet : Ç É cette mesure (lĠinhumation des cordiers dans le cimetire commun) suscite dans le quartier de la Boissire, une vŽritable Žmeute. Le premier cordier qui mourut, Mathurin Havet, aprs avoir ŽtŽ dŽposŽ ˆ lĠŽglise et dŽposŽ dans le cimetire commun, fut exhumŽ la nuit suivante et transportŽ dans une ruelle É o il fut retrouvŽ le lendemain. Le Recteur procŽda ˆ une nouvelle inhumation. Nouvelle exhumation la nuit suivante ; la bire du malheureux fut portŽe ˆ la porte du presbytre contre laquelle on lĠappuya debout et la premire personne qui sortit le lendemain faillit tre ŽcrasŽe.È

 

     Pour Žviter de nouvelles profanations, le recteur sur lĠavis du procureur fiscal, inhuma le cadavre dans lĠŽglise. Ç On ne lĠy laissa pas davantage. Une bande de forcenŽs, armŽs de pioches, y fit le lendemain, 28 octobre irruption ˆ lĠissue de la grandĠmesse, au moment o le Recteur donnait la communion, et lˆ, en prŽsence du S. Sacrement, dŽterrrent les restes de lĠinfortunŽ Havet et le transportrent au bas du chemin du Colvez dĠo le Recteur le fit de nouveau enlever et rŽintŽgrer dans lĠŽglise È.

 

     Mais le recteur nĠŽtait pas encore au bout de ses peines, car : ÇÉ ces Žnergumnes, ne se trouvent pas pour battus et voulant ˆ tout prix empcher que le corps du malheureux parias fut enterrŽ en terre sainte, revinrent ˆ la charge le 30 octobre, excitrent la population ˆ se joindre ˆ eux et nĠy pouvant parvenir, se rendent la nuit suivante ˆ lĠune des portes de lĠŽglise, celle de la chapelle S.Yves, quĠils enfoncrent avec des barres de fer et exhumrent pour la 4e fois, lĠobjet de leur haine et le transportrent au loin accompagnant leur marche de coups de fusils È. La notice ne prŽcise pas ce quĠil est advenu du corps du malheureux.

 

     Un arrt de la cour royale condamna les principaux auteurs des troubles ˆ tre fustigŽs pendant trois jours de marchŽs consŽcutifs, aux divers carrefours de Saint-Brieuc et ils furent exilŽs ensuite de la paroisse et de toute lĠŽtendue de la juridiction royale, sous peine de mort , sĠils Žtaient repris.

 

     Parmi les caquins ayant habitŽ la caquinerie de PlŽrin, nous trouvons dans la notice de la paroisse, un Žtat dressŽ le 8 janvier 1635 par lĠofficial, qui constate lĠexistence ˆ PlŽrin de cinq chefs de famille participant ˆ la taille annuelle perue par lĠŽvque du fait de sa juridiction sur les caquineries du diocse. A savoir :

 

                    Gilles Havet, fils Alain, imposŽ ˆ 10 sols

                    Sylvestre Kersauson ÉÉÉÉÉ...1 sol

                    Simon HavetÉÉÉÉÉÉÉÉÉ5 sols

                    Yvon TotivinÉÉÉÉÉÉÉ......16 sols

                    Simon TotivinÉÉÉÉÉÉÉÉ...5 sols

 

     La caquinerie de PlŽrin payait  donc ˆ cette Žpoque 37 sols de taxe, soit une moyenne de 7,4 sols par caquin, or il fallait que lĠofficial trouve 20 livres ou 400 sols (sans compter les vacations des officiers, des Žgailleurs et des collecteurs), entre les 22 caquineries de la juridiction de lĠŽvque, une soixantaine de familles pouvaient donc participer ˆ la taille annuelle, ce qui nous donne entre trois ou quatre familles en moyenne dans chaque caquinerie.

 

     On trouve aussi dans des naissances au tout dŽbut du XVIIIe ˆ PlŽrin des Denis et des Rouault, on note dans les baptmes dĠenfants que les parrains et les marraines sont aussi des caquins. Dans les registres paroissiaux, on trouve pour lĠannŽe 1681 la sŽpulture dĠun cordier du Ç village de la vallŽe È inhumŽ au Ç lieu accoutumŽ È, cimetire des caquins, au Colvez, sans aucun doute. Mais en 1710 la sŽpulture dĠun cordier eut lieu au Ç cimetire paroissial de Plrin È. LĠarrt du Parlement avait ŽtŽ enfin respectŽ. Mais la discrimination vis ˆ vis des caquins Žtait, lˆ aussi, complte.

 

-       Les Cordiers

 

 

      Mme si les caquins exeraient le mŽtier de cordier qui leur avait ŽtŽ imposŽ par les ducs de Bretagne, leurs descendants, anciens caquins restrent pour la plupart dans les caquineries o ils Žtaient nŽs gr‰ce aux droits de jouissance presque gratuits bien que transmissibles quĠils avaient acquis sur les biens de leurs parents dans les caquineries. Ils hŽritrent pour longtemps encore de lĠaversion que leurs pres avaient encourue, et restrent soumis ˆ quelques mesures dĠexception que la nŽcessitŽ avait pu justifier quand elles furent ŽdictŽes contre les lŽpreux.

 

     Cependant dans les registres paroissiaux, ˆ compter du dŽbut du XVIIe sicle, ils sont de plus en plus nommŽs Cordiers et mme Cordires, lors de mariages. Ils sont devenus ˆ cause de leur ascendance une Ç race ˆ part È puisquĠils sont les seuls ˆ exercer ce mŽtier car ils ont le savoir faire et personne ne voudrait exercer un mŽtier auquel se rattache tous les fantasmes qui entourent les lŽpreux et les caquins.

 

- Les Corderies

     CĠest sous ce nom que lĠon trouve encore lĠemplacement ou la proximitŽ des anciennes caquineries. Mais il ne faut pas confondre ces corderies avec celles qui ont ŽtŽ crŽŽes au XIXe sicle au voisinage des ports comme au LŽguŽ ˆ Saint-Brieuc ou ˆ PlŽrin par exemple o lĠon trouve ˆ cette Žpoque plusieurs corderies de crŽation rŽcente. Les caquins qui avaient achetŽ des terres en dehors du pŽrimtre de la caquinerie sur dĠautres seigneuries et juridictions sĠy Žtablirent progressivement, crŽant des lieux-dits corderies. Voilˆ comment un certain nombre de caquineries sont connues ˆ partir du dŽbut du XIXe sous le nom de corderies. CĠest gŽnŽralement ce nom que lĠon trouve dans les cadastres dits napolŽoniens.

 

     LĠaveu de 1690, sur lequel nous nous sommes appuyŽs puisquĠil est  le seul texte existant sur cet ostracisme sŽculaire, semble dŽpassŽ ˆ cette date, car il parle de caquins, alors que les actes, que nous avons largement consultŽs, parlent toujours de cordiers comme dĠailleurs les registres paroissiaux. Il semble bien que cet aveu ne soit quĠune copie dĠaveux antŽrieurs qui en 1690 ne sont plus, la rŽalitŽ puisque les actes notariaux et les registres depuis presque cinquante ans nous parlent de corderies et de cordiers. On peut donc conclure, que depuis le milieu du XVIIe sicle, les cordiers avaient remplacŽ les caquins dans le langage courant. Les caquins et les caquineries, que lĠon trouve dans les textes ˆ partir du XVe sicle, ont disparu vers la fin du  XVIIe sicle pour tre remplacŽs par les cordiers vis ˆ vis desquels on garde la mme intolŽrance malgrŽ les nombreux jugements du Parlement de Bretagne qui en 1690 avaient proclamŽ la disparition totale de la lpre et la rŽintŽgration des caquins ou cordiers dans tous leurs droits, qui ne seront reconnus quĠˆ la RŽvolution et dont le souvenir ne commencera ˆ sĠestomper en Bretagne quĠau milieu du XIXe sicle.

 

     Pour conclure permettez-moi de reprendre les dernires phrases de la notice du recteur de PlŽrin, qui a Žcrit dans le livre de paroisse, aprs 1850 :

Ç En 1789, et de mme de nos jours, les prŽjugŽs si injustes qui existaient autrefois contre les caquins, restaient encore dans toute leur force.  Une famille se fut cru dŽshonorŽe si un de ses membres avait contractŽ une alliance avec eux. Mais, depuis une cinquantaine dĠannŽes, les progrs aidant, on a ŽtŽ un peu moins susceptible ; un certain nombre de jeunes gens et de jeunes personnes de nos meilleures familles nĠont pas cru dŽroger en Žpousant des garons ou des filles de caquins ; il est vrai que ces derniers ayant toujours ŽtŽ laborieux et Žconomes, se trouvrent ˆ la tte de fortunes respectables, couvrant ainsi lĠindignitŽ originelle de leur raceÈ.

 

 

                                          Michel Chevalier  (http://eric.havel.free.fr)

 

 

Bibliographie :

-        Rozenweig (L.), Ç Les cacous de Bretagne È, Bull. Soc. Polym. du Morb., (1871) pp. 140-165 

-        Geslin de Bourgogne (J.) et BarthŽmy (A. de) ; Anciens ŽvchŽs de Bretagne, Saint-Brieuc, Paris, 1855

-        TrŽvŽdy (J.), Ç Caquins en Bretagne È, Bull. Soc. Polym. du Morb., (1903) pp. 192-255

-        Geslin de Bourgogne (J.), Ç Les races maudites en Bretagne È, Bull. Soc. Emul. des C™tes-du-Nord, t. XI, (1873), pp.207-215

-        Le Gallo (Y.), Ç Lpre et mythe de la lpre È dans La SantŽ en Bretagne, Ždit. Hervas, pp. 263-258

-        Croix (A.), Ç Les caquins en Bretagne È, Ann. de Bretagne, (1979) t.86, nĦ4

-        Le Gal La Salle (J.P.) Ç Histoire dĠErquy È t.1, pp. 565-566

-        Recteur de PlŽrin, Ç cahier de paroisse È PlŽrin, vers 1850, pp. 69-71

-        Archives dŽpartementales 22, Žgail caquins, 1600, 1611, 1635 – mŽmoire de Feuvrier 1737 – Comte de Toulouse.

-        Gilbert Loubs, Ç LĠŽnigme des cagots È Ždition sud ouest